Le 15 décembre 2018, des archéologues sont venus au CAREX expérimenter des armatures de flèches particulières : les trapèzes à cornes.
Une question qui vient de loin…
Les « trapèzes à cornes » sont des objets en silex taillé que l’on trouve dans les sites archéologiques de la culture de Kel’teminar en Ouzbékistan (Asie centrale). Ces objets datent du Néolithique ancien et sont vieux de plus de 6 000 ans.
Il s’agit de trapèzes symétriques dont la petite base est façonnée par une retouche formant une coche bien centrée, dégageant deux extrémités appointies, les « cornes ».

Ils sont également répandus dans d’autres cultures du Néolithique d’Asie centrale : Afghanistan, Balouchistan, Iran, Kazakhstan, Turkménistan et Oural.
Leur fonction restait énigmatique : éléments de faucille, armatures de projectiles ?
Dans le cadre d’une mission dirigée par F. Brunet (CNRS) et M. Khudzhanazarov (IRA-ASRUzb), Colas Guéret (CNRS) et Bernard Gassin (TRACES Toulouse) ont mené une étude tracéologique sur des trapèzes issus du site d’Ajakagytma en Ouzbékistan. Leurs résultats suggèrent que ces objets étaient utilisés comme armatures de flèches tranchantes.
Une expérimentation pour aller plus loin
Le but de l’expérimentation menée au CAREX était de tester cette utilisation des trapèzes en armatures de flèches tranchantes pour pouvoir observer les traces formées et les comparer aux objets archéologiques. On souhaitait également tester l’efficacité de ces armatures : pénétration dans la peau, dégâts infligés…

C. Lepers (Traceolab, Liège) a fait le déplacement de Belgique pour nous faire profiter de son expérience d’archer.



Pour la sécurité, un pas de tir a été aménagé à l’aide de ballots de paille
Une cible artificielle a été crée à base de gel balistique, un produit qui possède la même consistance que les chairs animales, de côtes de bœuf et de peaux fraîches.








Une trentaine de flèches sur lesquelles était monté un trapèze à corne ont été tirées sur la cible, souvent à plusieurs reprises pour que des traces se forment. Ensuite, chaque trapèze a été démanché, inventorié et stocké dans un sachet pour être étudié au microscope en laboratoire.
Et ensuite ?
Ces armes se sont révélées efficaces et l’étude détaillée des traces doit maintenant permettre de vérifier l’hypothèse faite par B. Gassin et C. Gueret. Cette analyse prendra un peu de temps évidemment, on vous tiendra au courant !
Pour aller un peu plus loin :
BRUNET F. (1998) ‒ La néolithisation en Asie centrale : un état de la question, Paléorient, 24, 2, p.p. 27‑48.
BRUNET F. (2005) ‒ Pour une nouvelle étude de la culture néolithique de Kel’teminar, Ouzbékistan, Paléorient, 31, 2, p.p. 87‑105.
LEPERS C. (2016). Peut-on « faire flèche de tout bois » sous prétexte d’expérimentation balistique ? Bulletin des Chercheurs de la Wallonie, Tome LII, Année 2015-2016, 79-103.